Gars de Tinder

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C’est cool que tu aies attendu la huitième date pour me parler de tes vraies intentions. Je ne les avais pas comptées à la base, nos dates, mais là je le fais. J’ai pu vraiment le choix. Même que ça me semblait plus que huit, mais bon. C’est un peu plate parce que je me sentais bien avec toi, pour une fois que ça m’arrivait. Peut-être que c’est justement parce que j’avais tellement pas d’attentes à la base que j’ai fini par m’attacher trop vite à l’idée de toi. Peut-être que c’est juste l’anticipation de ton départ inévitable qui grandissait dans mon cœur comme de la mauvaise herbe. L’illusion de ton âme de bohème-voyageur qui resterait toujours un peu déchirée, peu importe où tu irais, si j’arrivais seulement à te faire tomber en amour avec moi. Pour ici ou pour emporter, monsieur ? Pour emporter loin de moi apparemment. Mon problème, c’est que j’avais le projet d’être assez cool pour te séduire in english, pour te convaincre de rester malgré un constant manque de précision du vocabulaire. Je ne sais pas pourquoi je me suis laissée avoir, au final, mais je n’avais pas prévu que ce serait moi qui finirais un peu trop séduite.

Je n’avais pas prévu de me laisser attendrir par tes grands yeux de gars qui a déjà toute vu, par ton attitude de p’tit tough fier de sa carapace, par la forme de ton dos quand tu te retournes pour t’endormir, par ton habitude de toujours danser un peu en disant que la music is flowing through your bones. Je n’avais pas pensé tomber en amour avec la manière dont tes lèvres tremblent quand tu as envie de m’embrasser, je n’avais pas non plus dans l’idée d’avoir mal à t’imaginer trembler ainsi de la bouche pour une autre. Je ne pensais pas que ce serait aussi facile pour toi de t’immiscer dans mon cœur comme dans un open house.

Il a fallu que tu attendes à la date la plus cute, étendus ensemble dans la pelouse du Mont-Royal à manger des biscuits Ritz. Il a fallu que tu attendes la venue de mes papillons, après que j’aie déposé les arômes de mon parfum et mes cellules mortes dans ton lit quelques fois. Il a fallu que tu attendes tout ce temps avant de me demander : how do you feel about open relationships?

Tu m’as fait feeler un peu tout croche for sure. Je ne me suis pas sentie spéciale, mettons, juste conne. Tellement conne. Genre que t’as même pas enlevé tes souliers avant de me marcher dessus (tu les enlèves pas souvent d’ailleurs, je pensais que c’était juste dans les films américains qu’ils gardaient leurs chaussures à l’intérieur, mais pour vrai, toi tu fais ça). Chacun de mes battements cardiaques respirait en forme de plus jamais, plus jamais, plus jamais. Évidemment, j’ai prétendu que j’étais bien relax pour ne pas avoir l’air de la fille qui s’imaginait quelque chose de plus significatif ou fulgurant, mais c’est clair que mes yeux disaient le contraire, c’est clair que tout le monde à moins de 500 mètres ont senti mon monde imaginaire s’écrouler un peu. On a probablement senti la vague de ma déception jusqu’à Chicoutimi. Je sais juste plus vraiment quoi faire avec ça : je ne t’ai pas menti, mais si je pouvais revenir à ce moment-là, je serais peut-être un peu plus honnête. J’ai voulu te donner la douce impression d’être un terrain habitable, mais je n’ai pas envie d’être ta troisième blonde. Bref, je pourrais surement me laisser pâlir et disparaitre dans le confort de ton silence radio, sauf que le problème c’est que maintenant, le silence me parle. Pour moi, tout ce qui se tait parle inévitablement de toi.

Je pense que c’est ça le problème avec les gars de Tinder, ils n’arrêteront jamais de chercher. Ils ont mille filles différentes au bout de leurs doigts, drette dans leurs poches de manteau, et dans leur compte Facebook, il y a 40 autres filles qui les désirent peut-être aussi un peu, beaucoup, ça dépend. Il y en a des plus fines, des plus smart, des plus belles, des plus relax, des plus willing. Genre y’a toutes les possibilités du monde à portée de main, pourquoi il se contenterait juste de moi ? C’est comme aux chocolats favoris : on veut tous essayer tous les différents enrobages de crème à glace, mais moi je pensais qu’un moment donné, on choisissait un préféré pis on s’en tenait à ça. Checke-moi dont mentionner la crème glacée comme une fille qui ne vit pas du tout une mini peine d’amour. Faut croire que je ne suis pas ta saveur préférée, mais c’est correct, anyway je n’ai pas encore essayé la Dulce de leche.

Je suppose que je te trouvais intéressant et mystérieux pour des raisons assez évidentes, tu fais de ta vie une œuvre d’art je respecte ça, mais je commence à me dire que je devrais moins chercher les gens intéressants et me concentrer sur les intéressés. C’est juste que les gens intéressants font tellement mieux aller ma plume. Tu me fais écrire tellement que bientôt, j’aurai terminé mon cahier et il me faudra en acheter un autre afin d’y fixer tes regards et tes paysages. Afin de parler de l’odeur de ton équipement de moto, ça sent le vent et la liberté. Je suis juste un peu à bout d’y écrire ma peine de regarder chaque matin ton écran s’illuminer pour d’autres. Je pense que je vais devoir prendre un break des applications glaciales, je dirais bien que je vais supprimer ça pour toujours, mais j’ai peur de mentir, you know. C’est relaxant de swiper à travers la vie en sachant qu’on a mille options aussi, ça serait juste bien l’fun d’être capable de s’arrêter sur une d’entre elles pis de se lancer des mots-promesses qui dépassent le sensé.