Tu n’es pas désolé

_ALS1703

Tu n’es pas désolé. Car si je cours, c’est dans la mauvaise direction. Et quand je marche, c’est pour mieux fuir. Sans un souci, sans trop comprendre. Tu ne sauras jamais ce que ça fait, de n’être pas assez. Il faut apprendre à se trouver. Quand on ne sait pas ce que nous sommes, il faut arrêter d’être et commencer à marcher. Je ne te crois plus quand tu me dis que tu es désolé. Et comme tu n’es pas, ton innocence ne peut pas être. Je serai la dernière à savoir. Ça a fonctionné chaque fois. C’est la dernière fois. Il n’y a plus rien à supplier, parce que tu n’es pas désolé. De tes confusions je n’aurai plus rien à faire.

Je n’aurais pas pu demander mieux.

Cela ouvre la porte à une force inconnue. Ce qu’il me faudra apprendre. Les démons qu’il me faudra distancer. Le seul rythme de ma pensée, des larmes qui restent prises dans la gorge. Tu n’es pas désolé. Ce qui me retient. Des choses dont on ne parlera jamais. Les tabous qu’on renforce à coup de sourires étranges, histoire de presque aimer sans se donner.

Dans toute ma fatigue, je laisserai peut-être la fenêtre ouverte. Pour éviter de retourner à nos rires, j’en connais trop les pas. Toutes les routes y mènent pourtant. Ton nom ne franchira plus le seuil de mes lèvres, jusqu’à ne plus se rendre à mes pensées. Entacher ma solitude revenante.

C’est tellement plus facile, un monde unique. Faire sens à une tête seule. C’est facile de perdre l’empathie. Facile de ne pas savoir mon nom. Dans la simplicité d’ignorer. Ne pas dire surtout. Ne pas connaître et ne pas être connu.

Et tu ne franchiras pas la fenêtre.

            Je la laisserai encore ouverte, mais j’aurais aimé ne pas avoir à t’écrire ceci. Mes mots sur le clavier te seront étrangers, tu n’iras pas jusque-là. J’ai brisé toutes les règles contre mon gré. Je ne suis pas désolé. Même pas spéciale. Magnifiquement moi. Je ne sais pas comment être quelque chose qu’il te faut. Je baisserai les bras demain. Du bas de la liste, je ne peux pas fermer la fenêtre.

            Sur le plancher de ma chambre. Inconscience de tes pas. Toujours sur mes lèvres. Je m’en débarrasserai. Tu portes tes plus belles excuses. Je t’ai vu trop souvent nulle part. Je te sens disparaître dans un monde exempt de sensation. Le fossé de la distance. La cruauté du geste, ou l’absence de. J’ai perdu mon temps, et tu n’es pas désolé.

Pas cette fois.