Liste de choses à ne pas dire, genre jamais.

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On ne peut pas dire qu’on aimerait ça qu’un gars ait envie de nous faire l’amour plus qu’une fois seulement après deux pichets de rousse. On ne peut pas non plus affirmer qu’on est tannée de se coucher toute seule. C’est préférable de s’abstenir de déclarer : ce gars-là, que j’ai rencontré dans un bar, je tomberais bien en amour avec, je pense qu’on pourrait avoir du fun. De toute façon, on ne peut pas en parler parce qu’il ne faut jamais avoir l’air investie dans nos crushs. Je l’ai appris en écoutant He’s just not that into you : si tu l’appelles, t’es une folle.

On ne peut pas argumenter que ce n’est pas si cool que ça être une single lady, qu’on n’en profite pas pour vrai, qu’on n’a pas envie de juste coucher avec un dude nowhere. On ne peut surtout pas se demander : y’a tu quelqu’un qui va m’aimer un jour saint-asphalte de prélart ?

Si on désire changer notre situation, y’a encore des choses à ne pas dire, comme : Toutes les filles ont du duvet au-dessus de la lèvre d’en haut, c’est juste que certaines le cachent mieux que d’autres OK? C’est aussi préférable d’éviter d’annoncer que c’est officiellement le deuxième CD de Speak Now qu’on écoute jusqu’à l’user tellement qu’il saute maintenant. Plein de choses comme ça qu’il faut garder en dedans.

C’est toujours mieux de ne pas exprimer notre peur de terminer notre vie toute seule, au final. Il ne faudrait pas avouer que les pensées spinnent comme un mélangeur à la puissance 5 dans notre tête quand on regarde le plafond au-dessus du lit, qu’on se demande si on le dérange, si on devrait le déranger plus, si on dérange nos amies quand on leur parle de nos niaiseries.

On ne peut pas exposer notre peur que notre psy nous déteste et fasse juste semblant de nous aimer parce qu’on le paye. On ne peut pas avouer que notre vie tourne en rond, qu’on a passé la journée en pyjama, qu’on n’a pas vraiment envie de se faire les jambes, mais qu’on le fait pareil à chaque fois qu’on sort en espérant que ça serve.

On ne peut pas dire que ce ne sont pas les propositions qui manquent, que ce qui manque c’est n’est pas le sexe (ou la possibilité de), ni le cul, ni des yeux qui nous regardent. C’est déconseillé de renchérir que ce qui manque, c’est une main qui nous retiendrait de basculer dans le vide, une langue qui délierait la nôtre, un corps pour se sentir chez soi.

On ne peut pas dire qu’il nous manque un fil d’Ariane pour sortir du labyrinthe, qu’une petite poussée c’est tout ce que ça nous prendrait. Ce n’est probablement pas un bon plan d’expliquer qu’on tripe sur Taylor Swift, mais pas vraiment, genre qu’on aimerait ça se sentir comme dans ses tounes d’amour country-pop où ça finit bien, parce qu’on a le goût de fondre de l’intérieur, mais qu’on se protège, un peu, des fois.

On ne peut pas dire qu’on aimerait ça avoir des grands yeux de chouette comme Zooey Deschannel, qu’on voudrait se faire dire qu’on est cute, être rassurée. C’est probablement mieux de garder secrètes nos angoisses dues au fait que notre amie nous a dit que toutes les filles peuvent être fontaines et que depuis, on a vraiment peur de faire l’amour parce que maudit que ça serait gênant si ça nous arrivait.

On ne peut pas dire que notre vie est réglée au quart de tour, mais qu’on serait vraiment prête à y faire de la place pour quelqu’un, si quelqu’un avait envie de. On ne peut pas verbaliser cette impression que sur les cœurs des hommes qu’on rencontre, il n’y a jamais de pancartes « à donner », mais que des pancartes « à sous-louer ». Et on ne révèlera point qu’on n’a pas envie d’être une fille temporaire, un divertissement en attendant, bref, que sur notre cœur à nous, c’est écrit « pas de colporteurs ».

On ne peut pas dire tout ça, alors c’est ça, je ne l’ai pas dit.

Si je l’écris, ça compte-tu ?